Sécurité au travail : pourquoi il est urgent de penser la prévention au féminin ?

“Pourquoi traiter les femmes différemment, si on milite pour l’égalité ?”

Cette question, on l’entend souvent. Pas seulement quand on parle de prévention au travail, mais chaque fois qu’une mesure spécifique est envisagée pour les femmes. Comme si toute attention portée à leurs besoins particuliers venait contredire le principe d’égalité.
Mais en réalité, l’égalité, ce n’est pas toujours juste.

Offrir la même chose à tout le monde (égalité) ne suffit pas quand les besoins sont différents.

Ce qu’il faut viser, c’est l’équité : adapter les moyens pour que chacun·e ait réellement les mêmes chances de sécurité et de santé au travail.

Refuser de voir les écarts biologiques, sociaux ou professionnels entre femmes et hommes, c’est entretenir un système pensé sans elles. Et les conséquences sont bien réelles.

Invisibilisation des risques : les femmes paient le prix fort

Inégalités entre les hommes et les femmes

Le monde du travail a toujours été structuré autour d’un référentiel masculin : celui de “l’homme moyen”. Il dicte la taille des gants, les normes des équipements de protection, les paramètres de pénibilité.
Résultat : les femmes sont mal équipées et mal protégées.

Dans un rapport publié en juin 2023, la Délégation aux Droits des Femmes du Sénat tire la sonnette d’alarme. La santé des femmes est massivement négligée. Les risques auxquels elles sont exposées sont largement sous-évalués :

  • Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) : les femmes sont surreprésentées (80 %) dans les secteurs du soin, du nettoyage, du commerce ou des services à la personne, où les tâches sont répétitives, précises, souvent rapides puis exigeantes physiquement — des facteurs typiques de TMS
  • Risques psychosociaux et épuisement mental : la souffrance psychique au travail est deux à trois fois plus fréquente chez les femmes (dépression, burn-out, anxiété), avec une prévalence passée de 2,4 % à 6,2 % entre 2007 et 2018, contre 1,3 % à 2,7 % chez les hommes
  • Violences sexistes ou sexuelles : selon le Rapport du Sénat daté de 2023, environ 20 % des femmes déclarent avoir subi au moins un fait de violence (harcèlement, agression) au travail au cours des 12 derniers mois
  • Troubles hormonaux

Pourquoi ces risques sont-ils sont évalués ?

Parce qu’ils sont souvent invisibles, silencieux, considérés comme « normaux » ou « personnels ». Ils échappent aux grilles d’évaluation des dangers et sont rarement documentés dans les rapports de médecine du travail.
Et pourtant, ils existent et ils pèsent lourd.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes* :

 

  • 3 fois plus de signalements de souffrance psychique chez les femmes
  • +26% de risque de cancer du sein en cas de travail de nuit
  • 60% des personnes atteintes de TMS sont des femmes

Une prévention pensée par et pour les hommes

La majorité des dispositifs de prévention sont encore conçus pour s’adapter à un corps masculin standard. Les équipements de protection individuelle, les outils, les horaires et même les rythmes sont calibrés sur des morphologies et des parcours professionnels typiquement masculins.

Or, les femmes exercent majoritairement dans les secteurs du soin, du nettoyage, de l’enseignement, du commerce de détail ou encore des services à la personne. Autant de domaines marqués par une intensité émotionnelle, une forte pression relationnelle, et des gestes répétitifs souvent invisibilisés. Ce sont aussi des secteurs où le travail est majoritairement en position debout prolongée, avec des amplitudes horaires étendues et peu de pauses. Ces formes de pénibilité sont rarement intégrées dans les grilles classiques d’analyse des risques.

Pire encore, les expositions spécifiques aux femmes (grossesse, allaitement, ménopause ou encore endométriose) sont très peu prises en compte, ou alors perçues comme relevant de la sphère privée, donc non concernées par l’environnement professionnel.

Et ces inégalités n’opèrent pas que sur le lieu de travail !

Prenons l’exemple de la ceinture de sécurité dans les voitures :

  • Les crash-tests se basent sur un mannequin “masculin moyen”
  • La morphologie féminine (taille, forme du torse, posture) n’est donc pas prise en compte
  • La ceinture peut alors mal s’ajuster et exercer une pression inadaptée

Résultat : les femmes ont 47 % plus de risques de blessures graves en cas d’accident (étude Université de Virginie, 2011)

Depuis les années 2000, des mannequins dits « féminins » ont été introduits, mais :

  • Ils sont souvent des versions miniaturisées du mannequin masculin, sans prendre en compte les différences de répartition des masses, des tissus mous ou d’articulation
  • Ils sont rarement utilisés dans les tests de sécurité obligatoires

Ce problème d’inégalité est donc fortement ancré dans notre société.

Comment agir ?

Pour agir, il faut former, outiller et accompagner les entreprises.

C’est pour cela que des initiatives émergent.

En Bretagne, le Plan Régionale Santé Travail (PRST) s’est engagée dès 2021 dans une approche genrée de la prévention. La DREETS régionale a travaillé avec les partenaires sociaux pour intégrer dans le DUERP des éléments propres à l’exposition des femmes. L’objectif ? Sortir d’une lecture neutre des risques, et construire des actions concrètes là où les femmes sont surexposées**.

Côté entreprises, certaines s’engagent également. Carrefour a lancé un dispositif d’accompagnement pour les salariées atteintes d’endométriose. Concrètement, cela passe par la sensibilisation des managers, des aménagements de postes temporaires, et l’accès facilité à un accompagnement médical ou psychologique. De plus, Carrefour a également pris des mesures pour mieux prendre en compte les fausses couches et la Procréation Médicalement Assistée (PMA).***

Néanmoins, ces avancées restent isolées, fragmentaires, trop dépendantes de la volonté locale.

Ce qu’il faut désormais, c’est un changement d’échelle : intégrer la dimension genrée à tous les niveaux, dans la formation des professionnels, dans les politiques d’entreprise et dans les grandes politiques publiques de santé au travail définies par l’État.

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